Logo MontPrez Finances
Assurance emprunteur : est-il facile de faire jouer la concurrence dans votre banque ?

Facilité au travers des années, le changement d’assurance de prêt dans le cadre d’un crédit immobilier tourne souvent au parcours du combattant. Securimut, filiale de la Macif spécialisée dans l’assurance emprunteur, dresse un sévère bilan des pratiques bancaires, établissement par établissement.

Sur un marché évalué à 6 milliards d’euros, elles se taillent la part du lion. Les banques accaparent encore 87% des revenus liés aux contrats d’assurance de prêt, obligatoire dans le cadre d’un crédit immobilier. Un comble lorsqu’on sait que trois lois sont venues se succéder depuis 2010 pour aider les emprunteurs à faire jouer la concurrence. La situation est tellement problématique que l’ancien sénateur Martial Bourquin a déposé un amendement en mars afin de renforcer une fois de plus le droit des consommateurs et punir davantage les banques récalcitrantes. L’ancien parlementaire a également prévu de charger le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) de remettre annuellement un rapport pour combler “le trou noir statistique” de ce marché.

Et c’est justement sur ce manque de données que s’est penché Securimut. Cette branche de la Macif, spécialisée dans l’assurance de prêt, vient de publier une étude fouillée sous forme de bilan des trois lois ayant facilité le changement des contrats d’assurance emprunteur. Et les résultats démontrent clairement que les banques sont récalcitrantes x. Pour rappel, depuis 2010, et la loi dite Lagarde – du nom de la ministre de l’Economie de l’époque -, il est théoriquement possible de faire souscrire une assurance emprunteur autre que celle proposée par sa banque avant même la signature du contrat de prêt.. Depuis 2014, la loi Hamon vient compléter cette libéralisation en permettant aux particuliers de résilier à tout moment leur assurance durant les 12 mois suivant la signature du contrat. Enfin depuis 2018, la loi Bourquin vient renforcer un peu plus encore le droit des consommateurs en permettant de changer chaque année de d’assurance à date d’anniversaire du contrat.

Un délai de réponse majoritairement piétiné

Le premier enseignement de l’étude est bien que les banques ne respectent pas le délai de réponse légal de 10 jours à réception d’une demande de changement d’assurance. A la Société générale, seules 18% des réponses respectent ce délai, et seulement 23% au Crédit mutuel et CIC. Meilleurs élèves en la matière, la Banque postale et le Crédit agricole respectent le délai dans 3 cas sur 4. La moitié des réponses du Crédit foncier, la majorité de celles de la Caisse d’épargne et un tiers de celles de LCL interviennent entre 16 et 30 jours, soit au-delà du cadre légal. x Les banques qui traînent le plus des pieds sont bien identifiées : la Société générale – chez laquelle 62% des réponses se font au delà de 30 jours ! – ainsi que le Crédit mutuel et CIC (52%).

Au total, près d’un tiers des dossiers traités par Securimut ont besoin d’être relancés au moins une fois, et même 14% plusieurs fois, à raison d’une relance tous les 20 jours. A la Société générale, plus d’un quart des demandes de changement d’assurance nécessitent 4 relances avant d’obtenir une réponse. Dans le cadre de la loi Bourquin (changement d’assurance à la date d’anniversaire du contrat), cette proportion grimpe à 34%…

Des réponses incomplètes qui allongent les procédures

Comble, au fur et à mesure de la libéralisation du marché, les établissements bancaires se sont braqués. Au premier trimestre 2018, date d’entrée en vigueur de la loi Bourquin, 44% des demandes de Securimut étaient traitées à la réception du premier courrier, contre seulement 42% à la fin 2019. Par un système de vases communicants, la proportion des établissements ne réagissant qu’au bout de deux courriers est passée de 27% à 34% en 2019. Une tendance particulièrement vérifiée dans le cadre de la loi Hamon (résiliation durant la première année de souscription).

Et même lorsqu’elles répondent, les banques usent de stratagèmes pour ralentir les procédures de changement. Car pour qu’elle soit valide, une réponse, estime Securimut, doit comporter la vérification de l’équivalence des garanties, une date explicite de résiliation ainsi que la conformité de la description des prêts couverts. “Il ressort de ces chiffres qu’à peine plus de 40% des demandes de substitution sont suivies d’une réponse unique et complète de la banque, alors même que la moitié seulement obtient une réponse dans les délais”, précise l’assureur. Or, si la réponse n’est pas complète, le changement d’assurance ne peut avoir lieu. Aussi, l’organisme d’assurance alternatif est obligé de relancer les banques. Entre les envois de courriers et les analyses de mails, Securimut intervient en moyenne 2,5 fois par dossier. Un chiffre qui traduit ainsi de la difficulté de changer d’assurance au sein d’une banque. Chez trois établissements, cet indicateur est bien au-dessus de la moyenne : 3,8 à la Société générale et 3 à Caisse d’épargne au Crédit foncier.

Un emprunteur sur cinq lâche l’affaire

En faisant traîner les dossiers, les établissements bancaires continuent par la même d’engranger des cotisations. “Certaines banques considéraient que la date d’effet du contrat de substitution ne valait pas date de résiliation de leur propre contrat, alors que la demande initiale était explicitement celle-ci. Les emprunteurs se retrouvaient alors confrontés à un double prélèvement de cotisations et à un chevauchement d’assurance non anticipé”, précise Securimut. Comprendre que le client couvre deux fois son prêt et continue de cotiser auprès de sa banque malgré la signature de leur nouveau contrat.

Conséquences directe, beaucoup d’emprunteurs lâchent l’affaire, pointe l’assureur. “Les mesures dilatoires mises en œuvre par les banques pour décourager les demandes sont à la fois les procédés les plus déloyaux et les plus dissuasifs pour les emprunteurs”. Même s’il a chuté depuis 2018, l’abandon d’une procédure de changement d’assurance concerne encore près d’un particulier sur cinq (18%) chez Securimut dans le cadre d’une résiliation annuelle. Elle s’élevait encore à 34% au premier trimestre 2018. Fin 2019, le Crédit mutuel, CIC et LCL parvenaient encore à décourager près d’un emprunteur sur cinq.

Enfin, pour rendre compte des difficultés dans chaque banque, Securimut a confronté la part de production de crédit de chaque banque du marché au pourcentage des demandes de résiliation d’assurance constatée dans chaque établissement. Or, l’étude constate des écarts importants d’un établissement à l’autre.

Au Crédit agricole, la part des demandes de changement d’assurance (en délégation au moment de la signature et au cours de la première année) est bien plus faible que celle de production de crédit. Ainsi, Securimut en conclut que l’établissement est le plus “intransigeant” dans l’acceptation des délégations (dès la signature) d’assurance. Les emprunteurs sont donc contraints de se porter “massivement” sur la résiliation post-signature, dans les 12 mois qui suivent. Même constat au sein du Crédit mutuel et du CIC, à l’origine de la production de 24% des nouveaux crédits, mais seulement 12% des demandes de changement d’assurance avant la fin de la première année. Selon Securimut, cette faible proportion n’est pas due à une satisfaction des clients, mais davantage de la mauvaise volonté. “ Le Crédit mutuel fait la sourde oreille aux relances en chaîne qui lui sont adressées. Les réponses sont formulées par les agences directement au client, avec des refus généralement injustifiés (…) On retrouve ici une tactique proche de celle de certaines caisses du Crédit agricole”.

A l’inverse, d’autres établissements sont sous-représentés comme la Caisse d’épargne ou la Société générale. Chez eux, la part des changements d’assurance sont faibles au regard de leur production de crédit. Une anomalie que Securimut justifie avant tout par le manque de discernement des conseillers de la Société générale “Les réponses formulées par les agences de la Société générale sont très souvent erronées sur l’analyse de l’équivalence de garanties. Les conseillers ne semblent pas avoir une formation suffisante pour leur permette d’avoir le recul nécessaire sur le fond des courriers qu’on leur fait signer.” Autant de freins, et de pièges qu’il va falloir surmonter pour faire jouer la concurrence dans votre banque.

Source : © Capital